Comment se déroule une procédure collective ? Le guide complet
Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés d’ordre économique ou financier, elle peut faire l’objet d’une procédure collective : un processus judiciaire qui vise à garantir la poursuite de l’activité et à maintenir l’emploi, tout en respectant les droits des créanciers qui demandent à être remboursés. Trois procédures existent, en fonction de la gravité des difficultés rencontrées : la sauvegarde judiciaire, le redressement et la liquidation. Comment fonctionnent-elles ? Quelles sont les conditions à remplir pour l’ouverture d’une procédure auprès du tribunal compétent ? Que se passe-t-il ensuite ? Keobiz vous explique tout ce que vous devez savoir.
Une procédure est dite « collective » lorsqu’une entreprise se fait accompagner afin de retrouver une situation pérenne, sans que les créanciers puissent agir individuellement.
En fonction de la situation financière de l’entreprise, trois procédures existent : la sauvegarde, le redressement, et la liquidation, chacune ayant des effets distincts sur la pérennité de l’activité.
C’est quoi, une procédure collective ?
Une procédure collective désigne un processus permettant d’aider une entreprise à surmonter ses difficultés financières et à retrouver une situation pérenne. Dans les faits, la société est placée entre les mains de la justice qui se charge d’établir un plan et d’organiser le paiement des créances dues. La procédure est dite « collective » car, une fois le processus initié, les créanciers ne sont plus en mesure d’agir individuellement contre l’entreprise.
Ce type de procédure peut concerner toute forme d’entreprise (SARL, EURL, SAS, SASU, SA, SCI ou autre), y compris l’entrepreneur individuel (EI). Cela, indépendamment de l’activité exercée : libérale, agricole, commerciale ou artisanale.
Une fois lancée, cette procédure a des conséquences concrètes :
- Les créanciers ne peuvent plus ouvrir des procédures individuelles, ni poursuivre celles qui sont en cours. Les dettes de l’entreprise sont désormais gérées de façon collective.
- Les créances antérieures à la date d’ouverture de la procédure sont gelées : cela permet à l’entreprise de reconstituer sa trésorerie et d’élaborer un plan de règlement.
- Il n’est plus possible de demander l’ouverture d’une mesure préventive, comme la conciliation ou le mandat ad hoc : deux procédures contractuelles (et confidentielles) de traitement amiable des entreprises en difficulté.
Comment se déroule une procédure collective ?
Il existe trois procédures collectives distinctes, avec des conditions d’ouverture qui diffèrent selon le degré des difficultés financières de l’entreprise (si elle est, ou non, en état de cessation des paiements). Dans les grandes lignes, voici comment la procédure collective se déroule :
- La demande d’ouverture est déposée soit à l’initiative exclusive du dirigeant de l’entreprise ou de l’entrepreneur (sauvegarde), soit par le dirigeant, le ministère public ou par l’assignation d’un créancier (redressement ou liquidation judiciaire). Le tribunal compétent dépend de l’activité exercée : tribunal de commerce (pour une activité commerciale ou artisanale) ou tribunal judiciaire (pour une activité libérale).
- Lors de la première audience, le juge décide de la procédure à ouvrir en fonction du degré de difficulté de l’entreprise. Il désigne également les différents intervenants : mandataire judiciaire (chargé de la vérification du passif), administrateur judiciaire (obligatoire si l’entreprise compte au moins 20 salariés et réalise un chiffre d’affaires qui excède 3 millions d’euros HT) ou juge-commissaire (chargé de veiller au bon déroulement de la procédure). Dans certains cas, il peut inviter le comité social et économique (CSE) à désigner un représentant parmi les salariés. Le temps de la procédure, seul le liquidateur est compétent.
- Les effets sur l’entreprise diffèrent selon la procédure. Par exemple, dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire, le tribunal peut décider de mettre en place un plan de continuation avec apurement des dettes ou de prononcer la liquidation. Le juge peut aussi décider de remettre en question les actes passés entre la date de cessation des paiements et celle de l’ouverture d’une procédure : on parle de « période suspecte ». Quant aux conséquences d’un redressement judiciaire, elles sont radicales : l’activité est stoppée, le gérant est dessaisi de ses fonctions, les contrats de travail sont rompus, et le passif exigible est comblé – en attendant la liquidation (qui diffère d’un dépôt de bilan) – sachant que même la caution solidaire bancaire peut être sollicitée par les créanciers. Dans certains cas, le tribunal peut prononcer la liquidation avec poursuite de l’activité.
- Les créanciers peuvent aussi procéder à une déclaration des sommes dues auprès du tribunal : c’est ce que l’on appelle une procédure de dépôt de l’état des créances.
Voyons maintenant dans le détail comment se passe chaque type de procédure.
Comment se déroule une procédure de sauvegarde judiciaire ?
La sauvegarde judiciaire est destinée aux entreprises dont les difficultés n’ont pas un degré de gravité trop prononcé. Cette procédure permet à la société de se réorganiser, d’apurer son passif, et de régler ses dettes. Quelles sont les conditions à remplir pour l’ouvrir ?
- La demande doit être faite par le représentant de l’entreprise (entrepreneur individuel, gérant d’une SARL, président d’une SAS ou autre) via une requête déposée auprès du tribunal compétent. Il s’agit donc d’une démarche purement volontaire, qui ne peut pas être effectuée par un créancier.
- Les difficultés de l’entreprise – de nature juridique, économique ou financière – doivent être « insurmontables », sans pour autant qu’elle se trouve en état de cessation des paiements.
Le tribunal ouvre la procédure s’il estime que la demande est fondée, après avoir entendu le dirigeant et les représentants du CSE. Le jugement d’ouverture de la sauvegarde fait l’objet d’une mention au Registre national des entreprises (RNE) ou au registre du commerce et des sociétés (RCS) en fonction de l’activité. Par la suite, un avis est publié au Bodacc (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) et dans un support d’annonces légales, dans les 15 jours qui suivent la date du jugement.
Ce jugement d’ouverture donne lieu à une période d’observation de 6 mois, renouvelable à 3 reprises, soit jusqu’à un maximum de 18 mois. Ce délai donne au mandataire judiciaire l’opportunité d’évaluer la situation avec soin, avec trois issues possibles :
- L’amélioration de la situation de l’entreprise en cours de procédure, ce qui conduit le tribunal à clôturer celle-ci. Les créances sont honorées et l’activité peut être poursuivie. (Dans les faits, cette situation est toutefois rare.)
- L’adoption d’un plan de sauvegarde, lorsque la société peut être sauvegardée : ce plan prend la forme d’un ensemble de mesures permettant au dirigeant de restructurer son entreprise. Il est soumis au vote des créanciers et, le cas échéant, à celui des classes de parties affectées (les créanciers affectés par le projet de plan), constituées lorsque l’entreprise compte plus de 250 salariés et réalise un chiffre d’affaires supérieur à 20 millions d’euros nets, ou lorsque son chiffre d’affaires excède 40 millions d’euros nets.
Un plan de sauvegarde a une durée limitée à 10 ans et peut prévoir l’arrêt, l’adjonction ou la cession d’une activité, ou de plusieurs activités.
- La conversion en procédure de redressement judiciaire ou de liquidation, lorsque les difficultés sont trop importantes et que l’adoption d’un plan de sauvegarde est impossible.
Lorsqu’une entreprise en difficulté se trouve en cessation des paiements depuis moins de 45 jours, elle peut demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée. Celle-ci autorise la mise en place rapide d’une période d’observation, puis d’un plan adapté à la situation. Cette possibilité est offerte aux dirigeants lorsqu’une procédure de conciliation a été ouverte, mais qu’elle a échoué en raison du refus d’un ou de plusieurs créanciers.
Comment se déroule une procédure de redressement judiciaire ?
La procédure de redressement s’impose lorsque les difficultés de l’entreprise sont avérées, et qu’un plan de sauvegarde ne suffit pas. Elle permet de geler les créances et de mettre en place des délais de paiement, dans le cadre d’un plan de redressement. Quelles sont les conditions à remplir pour l’ouvrir ?
- La demande peut être déposée par le représentant de l’entreprise (au plus tard dans les 45 jours qui suivent la cessation des paiements), par le ministère public, ou par assignation d’un créancier – dans ces deux derniers cas, sauf si une procédure de conciliation est déjà en cours.
- L’entreprise doit être en état de cessation des paiements, sans que la situation soit irrémédiablement compromise.
Une entreprise est en « état de cessation des paiements » lorsque son actif disponible ne peut plus couvrir son passif exigible, et qu’elle n’est plus en capacité de payer ses dettes arrivées à échéance.
Le dirigeant est informé de l’ouverture de la procédure dans les 8 jours qui suivent le prononcé, et celui-ci donne lieu à une mention au RNE ou au RCS, ainsi qu’à la publication d’un avis au Bodacc et dans un support d’annonces légales. Ce jugement conduit à l’instauration d’une période d’observation de 6 mois, renouvelable jusqu’à un maximum de 18 mois, qui permet de réaliser un diagnostic de la situation. Trois issues sont possibles :
- La clôture du redressement, lorsque l’entreprise détient les sommes nécessaires au paiement des créanciers (une situation rare).
- La mise en place d’un plan de continuation de l’activité, destiné à permettre la poursuite de l’activité, le maintien des emplois et l’apurement du passif. Ce plan, établi par l’administrateur du tribunal en concertation avec les créanciers (et éventuellement avec les classes de parties affectées), s’étend sur une durée maximale de 10 ans. Il peut également prévoir la vente partielle ou totale de l’entreprise ou de certaines de ses activités, dans le cas où un repreneur s’est fait connaître.
Même lorsqu’un plan de redressement est mis en place, le maintien de l’emploi n’est pas assuré : la survie de l’entreprise est susceptible de passer par des licenciements. Si un plan de sauvegarde de l’emploi est prévu, cette procédure est mise en œuvre par l’administrateur dans un délai d’un mois après le jugement, comme prévu par le Code du travail. Enfin, sur demande du ministère public, l’administrateur peut décider du remplacement d’un dirigeant (ou de plusieurs d’entre eux).
- Le prononcé de liquidation judiciaire, lorsque le redressement n’est pas possible. L’entreprise ne peut pas être redressée, et le tribunal réoriente la procédure pour passer à la liquidation.
Une entreprise peut bénéficier d’un redressement simplifié (dit « procédure de traitement de sortie de crise ») si son effectif est inférieur à 20 salariés et que son passif n’excède pas 3 millions d’euros (hors capitaux propres).
Comment se déroule une procédure de liquidation judiciaire ?
Lorsque les difficultés de l’entreprise sont trop importantes et qu’un redressement s’avère impossible, une procédure de liquidation est ouverte. Celle-ci met fin à l’activité et entraîne la vente des biens, dans le but de payer les créanciers. Quelles sont les conditions à remplir ?
- La demande doit obligatoirement être déposée par le dirigeant de l’entreprise, dans un délai de 45 jours après la cessation des paiements (dans le cas contraire, il peut être condamné à une interdiction de gérer). Le ministère public et un créancier peuvent également en faire la demande, à condition qu’il n’y ait pas de procédure de conciliation en cours.
- L’entreprise doit être dans l’impossibilité de se redresser financièrement : sa situation est irrémédiablement compromise.
Si la demande est acceptée, le tribunal prononce l’ouverture de la procédure et nomme les intervenants, dont le liquidateur judiciaire qui procède à la vérification des créances et aux opérations de liquidation, et prend les rênes de la société en lieu et place de son dirigeant. Le jugement d’ouverture fait l’objet d’une publication au RCS ou au RNE, au Bodacc, et dans un support d’annonces légales.
La liquidation a des effets concrets sur l’entreprise :
- Arrêt immédiat de l’activité. Son maintien peut toutefois être autorisé si la vente (partielle ou totale) de l’entreprise est envisageable, ou bien dans l’intérêt public ou dans celui des créanciers.
- Dessaisissement du dirigeant : c’est le liquidateur qui représente désormais la société. Le dirigeant peut toutefois rester en place (sauf décision contraire lors d’un vote en assemblée générale ou si une règle en ce sens est prévue dans les statuts), auquel cas ses pouvoirs sont extrêmement réduits.
- Rupture des contrats de travail : une procédure de licenciement économique est mise en place par le liquidateur, après consultation du CSE s’il existe dans l’entreprise. Les contrats sont rompus dans un délai de 15 jours après le prononcé de liquidation, et dans un délai de 21 jours en cas d’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
- Exigibilité des créances. Toutes les créances sont payées, même lorsqu’elles ne sont pas arrivées à échéance.
- Arrêt des poursuites individuelles lancées par les créanciers.
- Arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels à venir, ainsi que des intérêts de retard et des majorations, dans le cadre des prêts conclus pour une durée maximale d’un an.
Une entreprise peut bénéficier de la liquidation simplifiée si elle compte moins de 6 salariés au cours des 6 mois qui précèdent le lancement de la procédure, si son chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 750 000 euros HT, et si son actif ne comporte pas de bien immobilier.
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La « période suspecte » désigne la période comprise entre la date de cessation des paiements (retenue lors du jugement d’ouverture) et la date d’ouverture effective de la procédure. L’intérêt est le suivant : le juge est en mesure de remettre en question les actes passés durant cette période, dès lors qu’il estime que lesdits actes ne sont pas dans l’intérêt de l’entreprise en difficulté.
Une entreprise est en droit de vérifier la situation financière de toute société avec laquelle elle se trouve en relation d’affaires. Il suffit, pour cela, de consulter le Bodacc : le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. En cas de procédure collective, celle-ci fait forcément l’objet d’une publication sur ce support. Si vous êtes créancier, vous avez alors 2 mois pour transmettre votre déclaration de créances.
Une entreprise qui rencontre des difficultés (économiques ou financières) ne fait pas obligatoirement l’objet d’une procédure. Certaines mesures préventives peuvent être prises afin de résoudre les problèmes avant qu’ils n’entraînent un état de cessation des paiements : la conciliation (visant à trouver un accord avec les créanciers) et le mandat ad hoc (visant à négocier un rééchelonnement des créances).