Bonus de coopération pendant un congé maternité
Congé de maternité : l’employeur doit-il verser un bonne de salaire ?
Pour assurer une bonne gestion d’entreprise, l’employeur doit anticiper l’organisation du congé maternité de ses salariées et prendre en compte les obligations découlant du principe de non-discrimination des salariées enceintes, en congé parental ou revenant de congé maternité. Ainsi, par arrêtés (Arrêtés n° 17-11618, 17-11619) du 19 septembre 2018, la Cour de Cassation a statué sur la possibilité de ne pas verser de rémunération variable à une salariée en congé de maternité dans la mesure où le bonus était conditionné à un travail effectif, lequel n’avait pas pu être accompli faute d’être présente au sein de l’entreprise pendant la période concernée. En conséquence, l’employeur n’est pas tenu de verser un bonus pendant un congé maternité lorsque le versement de ce dernier est subordonné à l’accomplissement ponctuel et spécifique d’un travail effectif.
Étude de cas : un bonus de coopération devait-il être versé à la salariée ?
Lors de l’acquisition de l’entreprise, un accord avait été signé avec les représentants du personnel pour mettre un terme au conflit résultant de la fermeture de la filiale et d’un transfert d’activité vers une succursale italienne. Cet accord collectif de fin de conflit avait prévu le versement d’un bonus de coopération pour les salariés de la société cédée, lesquels s’engageaient à former et à coopérer avec les salariés de l’entreprise acheteuse.
Ce bonus représentait 100 % du salaire fixe brut mensuel. En application de cet accord, une salariée avait reçu une première fois ledit bonus pour la période durant laquelle elle avait participé à la coopération avant son congé maternité puis une seconde fois à son retour de congé maternité.
Cependant, considérant qu’elle aurait également dû percevoir le bonus au cours de son congé maternité, la salariée avait saisi la juridiction des Prud’hommes en invoquant une discrimination liée à sa grossesse.
Étude de cas : le verdict des juges du fond et de la Cour de Cassation
La question était donc de savoir si une salariée en congé maternité, bien que n’effectuant pas ce travail de coopération et de formation en raison de son absence, pouvait percevoir ce bonus. Cette question se posait d’autant plus que la convention collective applicable prévoyait le maintien à 100 % du salaire mensuel de base pour les salariées en congé maternité et assimilait cette absence à du travail effectif.
Pour les juges du fond, la demande de la salariée était sans fondement : la salariée avait perçu pendant son congé maternité 100 % de son salaire fixe brut mensuel sur la période de référence respectant ainsi les dispositions de la convention collective applicable. Les juges précisent que, dans la mesure où l’absence de la salariée ne permettait pas de remplir les conditions de l’obtention du bonus, la salariée n’avait pas effectivement à percevoir le bonus au cours de son congé maternité. La Cour de Cassation a appuyé la décision des juges du fond et a rejeté l’argument de la salariée en considérant que le critère qui déclenchait le versement du bonus était lié à une situation exceptionnelle et n’était pas inclut dans les composantes classiques du salaire comme, par exemple, le bonus annuel des salariés de l’entreprise peut l’être. Aucune discrimination n’a donc été reconnue et l’employeur n’a pas été contraint de verser le bonus pendant le congé maternité de la salariée.
Le versement du bonus durant le congé de maternité au regarde du droit Français
Il convient d’être vigilant avec l’application de cette jurisprudence, le congé maternité ne devant, en principe, pas donner lieu à une perte de rémunération. La situation très spécifique consistant à verser un bonus destiné à rémunérer des activités précises doit inviter les sociétés à la prudence.
Cette jurisprudence ne doit pas systématiquement permettre d’envisager la possibilité de neutraliser le versement d’une rémunération variable d’une salariée en congé maternité et ce quelle que soit la durée du congé maternité. En effet, par l’arrêté n°15-24693 du 1er décembre 2018, la jurisprudence condamne un employeur pour discrimination liée à la grossesse suite au non-versement d’une prime d’assiduité durant le congé maternité.
A l’inverse, lorsque le versement de la prime est subordonné à un travail effectif et à partir du moment où le congé maternité n’est légalement considéré comme du travail effectif que pour la détermination de la période des congés payés annuels, il peut conduire à la diminution d’un bonus. Pour cela, il faut se référer à l’Arrêté n° 87-41. 975 de la Cour de Cassation du 11 avril 1991. L’un des points essentiels du maintien ou de l’absence de maintien d’un bonus est que l’absence pour congé maternité entraîne les mêmes conséquences que pour les autres types d’absences : arrêt maladie, congé prénatal, congé pathologique, congé paternité, etc.
Le versement du bonus de coopération durant le congés maternité au regard du droit Européen
Le droit européen définit également les règles concernant les situations liées à l’état de grossesse d’une salariée par la directive 92/85 du 19 octobre 1992 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé de la femme enceinte salariée, des femmes accouchées ou allaitantes au travail. Ainsi, l’article 11 de cette directive prévoit que « les droits liés au contrat de travail ainsi que le maintien d’une rémunération et/ou le bénéfice d’une prestation « adéquate » doivent être assurés ».
Elle précise aussi que « la prestation est jugée adéquate lorsqu’elle assure des revenus au moins équivalents à ceux que recevrait la travailleuse concernée dans le cas d’une interruption de ses activités pour des raisons liées à son état de santé ». La jurisprudence européenne considère comme équivalentes à ses revenus, les rémunérations perçues par une salariée au titre des indemnités journalières de la Sécurité Sociale et le maintien de salaire éventuellement prévu par les conventions collectives. La seule condition est alors que le dédommagement soit au moins égal au dédommagement pour maladie avec certificat médical.
Par conséquent, la Cour de Justice de l’Union européenne estime que les « travailleuses ne sont pas en mesure d’invoquer le bénéfice des dispositions de l’article 11, alinéa 2 et 3, de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 pour revendiquer le maintien, pendant leur congé de maternité, de leur rémunération intégrale comme si elles occupaient effectivement, comme les autres travailleurs, leur poste de travail ». Le verdict rendu par la Cour de Cassation est donc en tout point conforme à l’ensemble des dispositions juridiques en vigueur en France et au sein de l’Union Européenne.
Congé de maternité et aménagement du temps de travail
Le droit à un congé maternité est inscrit dans la loi française. La période de congé débute avant l’accouchement et sa durée maximale dépend du nombre d’enfants. La salariée enceinte a aussi droit à un aménagement de ses horaires de travail pour pouvoir passer ses examens médicaux avant son départ en congé maternité. Or en pratique, tout ne se passe pas toujours comme cela, ce qui conduit souvent à un départ en congé maternité avant la date initialement prévue.
Quid de l’égalité de salaire entre les hommes et les femmes ?
Les décisions de justice précédemment évoquées ne s’inscrivent pas tout à fait dans la mouvance actuelle qui vise à promouvoir l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes. Le congé maternité est un congé légal obligatoire, toutes les femmes peuvent bénéficier d’un congé maternité, et pourtant, dans les faits il arrive fréquemment que cette interruption d’activité rende la salariée victime d’une discrimination indirecte.
La naissance d’un enfant ne devrait toutefois pas pénaliser la femme dans sa carrière. Ces décisions ne constituent pas un signal positif pour les femmes, pour lesquelles, bien souvent, le congé maternité se transforme en un frein à leur carrière professionnelle.
Congé de maternité et exécution effective d’un travail
Le congé maternité engendre une suspension du contrat de travail et c’est alors la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM ou MSA et anciennement RSI pour les travailleurs indépendants) qui prend le relais pour la rémunération des femmes enceintes jusqu’à la fin du congé maternité. Concrètement, l’employée ne participe plus au travail bien que nombreuses sont celles qui ont tout anticipé avant la date prévue d’accouchement et pour la durée totale du congé. Alors, ne méritent-elles pas leur bonus de coopération dans ces conditions ? Il arrive aussi à certaines de travailler pendant toute leur grossesse en fonction de leur activité professionnelle. C’est principalement le cas des femmes qui sont travailleuses indépendantes.
Durée légale du congé de maternité
La durée légale du congé maternité d’une salariée du secteur privé dépend du statut de l’enfant à naître : 1er enfant, deuxième enfant, troisième enfant ou plus.
Pour le premier et le deuxième, la durée du congé prénatal est de 6 semaines et la durée totale du congé maternité est de 16 semaines.
Concernant le troisième enfant et les suivants, le congé prénatal est de 8 semaines et la durée totale du congé maternité est de 26 semaines à l’issue desquelles la maman peut reprendre le travail. Ce congé peut aussi être prolongé en cas de naissance de jumeaux ou de grossesse pathologique.
Congé de maternité et le Code du travail
Le congé de maternité entraîne la suspension du contrat de travail. La salariée avertit l’employeur du motif de son absence par lettre avec accusé de réception et de la date à laquelle elle entend y mettre fin. L’employeur ne peut s’opposer au départ de la salariée en congé de maternité. Si elle le désire, la salariée dont la grossesse est médicalement constatée peut mettre fin à son contrat de travail sans préavis et sans devoir d’indemnité de rupture.
Pendant la grossesse, le congé de maternité des mamans et les dix semaines qui suivent, la salariée fait l’objet d’une protection spécifique contre le licenciement. Ce dernier ne peut, en tout état de cause, prendre effet ou être signifié à la salariée pendant toute la durée de son congé de maternité. Le père salarié bénéficie également de la protection contre le licenciement prévu par l’article L. 1225-4-1 du code du travail.